Aliments ultra-transformés : coresponsables de plus d’un décès sur dix ?

Une publication scientifique internationale apporte de nouvelles données sur la relation entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de mortalité. Les résultats, bien que mesurés, soulignent l’importance d’une réflexion de fond sur les politiques de prévention alimentaire.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 5 mai 2025 16h38
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Aliments ultra-transformés : coresponsables de plus d’un décès sur dix ? © Shutterstock

Une étude parue le 29 avril 2025 dans la revue American Journal of Preventive Medicine s’est penchée sur la relation entre le niveau de consommation d’aliments ultra-transformés (AUT) et la mortalité prématurée dans plusieurs pays. Elle repose sur les données de près de 240 000 adultes âgés de 30 à 69 ans, suivis dans huit pays aux profils alimentaires distincts.

Les chercheurs ont observé une augmentation du risque de décès toutes causes confondues de 2,7 % pour chaque tranche de 10 % supplémentaire de calories issues de produits ultra-transformés dans l’alimentation. L’estimation est corrélationnelle, mais la récurrence des associations observées dans des contextes géographiques variés confère une solidité statistique aux conclusions.

L’étude a pris en compte des paramètres d’ajustement tels que l’âge, le sexe, le statut socio-économique, l’indice de masse corporelle, le niveau d’activité physique et les facteurs nutritionnels connus, afin d’isoler au mieux l’effet propre à la consommation d’AUT.

Une consommation inégale, mais un effet constant

Les huit pays analysés (États-Unis, Royaume-Uni, Canada, Australie, Chili, Mexique, Brésil et Colombie) présentent des niveaux de consommation très contrastés. Dans les pays les plus industrialisés, les aliments ultra-transformés représentent plus de 50 % des apports énergétiques quotidiens, contre moins de 20 % dans certaines régions d’Amérique latine.

Les chercheurs ont constaté que les populations des pays à forte consommation présentaient également les taux de mortalité prématurée les plus élevés attribuables aux AUT. À titre d’exemple, la proportion estimée de décès prématurés liés à ces produits atteint environ 14 % aux États-Unis, alors qu’elle reste inférieure à 4 % en Colombie.

Ces écarts s’expliquent par des différences structurelles dans les systèmes alimentaires nationaux, les politiques de prévention, mais aussi dans les habitudes culturelles et le niveau d’urbanisation.

Quels aliments sont concernés ?

Les aliments ultra-transformés sont définis selon la classification NOVA comme des formulations industrielles composées essentiellement de substances extraites d’aliments ou synthétisées à des fins technologiques. Il s’agit généralement de produits prêts à consommer ou à réchauffer, pauvres en fibres et micronutriments, et souvent riches en sucres, graisses saturées, sel et additifs divers.

Parmi les exemples les plus courants figurent les sodas, les céréales sucrées, les plats préparés, les snacks salés, les viennoiseries industrielles ou encore les produits de charcuterie modifiés. Leur transformation vise à améliorer la durée de conservation, le goût ou la texture, mais souvent au détriment de la qualité nutritionnelle.

Une question de santé publique de plus en plus documentée

Plusieurs études antérieures avaient déjà établi un lien entre la consommation d’aliments ultra-transformés et diverses pathologies chroniques : obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, dépression, voire certains cancers. Cette nouvelle publication ajoute une dimension globale en s’intéressant spécifiquement à la mortalité prématurée.

Elle confirme ainsi des observations déjà formulées dans des travaux menés en France, au Brésil, au Royaume-Uni et au Canada, mais en les intégrant dans un cadre comparatif international. Le travail des chercheurs permet également de mieux quantifier les impacts potentiels à l’échelle des populations, ce qui est crucial pour orienter les politiques de santé publique.

Des réserves méthodologiques, mais un signal épidémiologique clair

Comme le précisent les auteurs, l’étude établit une corrélation et non un lien de causalité directe. Il demeure possible que d’autres facteurs liés au mode de vie ou à la qualité globale de l’alimentation contribuent à expliquer une partie des résultats. Toutefois, la robustesse statistique de l’analyse, l’uniformité des tendances entre pays et la cohérence avec d’autres études renforcent la pertinence de l’alerte.

Des experts indépendants consultés appellent à la prudence avant de modifier des recommandations nutritionnelles de manière hâtive. En revanche, ils s’accordent sur la nécessité de renforcer les mesures de prévention et d’encourager la consommation d’aliments peu transformés.

Prévenir sans stigmatiser : un équilibre à trouver

Dans le domaine de la nutrition, la prévention ne peut se résumer à des recommandations individuelles. Elle suppose des interventions coordonnées : accessibilité économique des produits frais, éducation nutritionnelle, politique d’étiquetage claire, encadrement de la publicité ciblant les enfants, ou encore réforme des repas proposés dans les établissements publics.

La consommation d’aliments ultra-transformés est souvent corrélée à des situations de précarité économique ou de manque d’accès à des produits bruts. La réponse ne peut donc pas reposer uniquement sur des messages de type « il faut manger mieux », mais doit intégrer les déterminants sociaux de la santé.

Vers une mobilisation des acteurs de santé ?

L’étude relance la réflexion sur la nécessité de mobiliser les professionnels de santé dans la lutte contre la prolifération des produits ultra-transformés. Médecins généralistes, nutritionnistes, pharmaciens, travailleurs sociaux peuvent jouer un rôle clé dans l’accompagnement des populations à risque.

Elle souligne aussi l’enjeu d’un suivi à long terme, à travers des dispositifs de veille nutritionnelle, de recherche clinique et de formation des professionnels. Plusieurs organismes, dont l’Organisation mondiale de la santé et l’ANSES en France, appellent à une structuration plus claire des politiques publiques dans ce domaine.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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