L’hôpital manque de moyens, vous êtes priés de moins mettre de pansements

Face à une hausse continue des dépenses liées aux dispositifs médicaux, le gouvernement met en place une nouvelle régulation : à partir du 1er avril 2025, la délivrance initiale des pansements sur ordonnance sera limitée à sept jours. Cette décision, portée par Catherine Vautrin, ministre du Travail et de la Santé, s’inscrit dans une logique d’optimisation budgétaire et de lutte contre le gaspillage.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 20 mars 2025 10h11
lhopital-manque-de-moyens-moins-mettre-pansements
L’hôpital manque de moyens, vous êtes priés de moins mettre de pansements © Shutterstock

Le 19 mars 2025, Catherine Vautrin a officialisé cette réforme sur X en annonçant que la limitation de la délivrance des pansements visait avant tout à éviter le gaspillage et à mieux maîtriser les dépenses publiques. Chaque année, près de 740 millions d’euros sont consacrés au remboursement de ces dispositifs médicaux par l’Assurance Maladie. En réduisant le volume initial délivré, l’État espère adapter la prescription aux besoins réels des patients et assurer un suivi plus rigoureux des soins infirmiers.

Une réforme budgétaire aux ambitions médicales

Cette limitation repose sur les recommandations de l’Assurance Maladie, qui, dans son rapport de l’été 2024, alertait sur le gaspillage lié aux pansements non utilisés. En réduisant la délivrance initiale à sept jours, l’objectif est de mieux ajuster les quantités prescrites aux besoins effectifs des patients. L’idée sous-jacente est d’intégrer une logique d’adaptation clinique, dans laquelle le médecin prescripteur fournit une quantité de base, et l’infirmier ou le pharmacien ajuste ensuite en fonction de l’évolution de la plaie. Cette approche permettrait, selon le gouvernement, d’éviter les surprescriptions et de garantir que seuls les dispositifs nécessaires soient réellement utilisés.

Loin d’être une simple réduction des quantités délivrées, la réforme implique une évolution du circuit de prescription et de dispensation. Désormais, chaque ordonnance devra préciser avec exactitude la catégorie de pansements prescrits, leur quantité initiale, ainsi que la fréquence et les conditions de renouvellement. L’Assurance Maladie insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un déremboursement, mais d’une "distribution plus modérée et réévaluée dans le temps", comme l’a précisé Catherine Vautrin sur X.

Quels changements concrets pour les professionnels de santé ?

Cette réforme modifie l’organisation des soins en impliquant directement les infirmiers libéraux (IDEL), qui joueront un rôle clé dans la gestion des prescriptions et le renouvellement des pansements. Après les sept premiers jours de traitement, ils devront évaluer l’évolution des plaies et ajuster la dispensation en fonction de l’état clinique du patient. Si la plaie ne justifie plus l’utilisation de certains dispositifs, l’infirmier pourra adapter le renouvellement et informer le médecin traitant. Cette nouvelle responsabilité place les IDEL au centre du processus de suivi, leur conférant une autonomie accrue, mais aussi une charge de travail supplémentaire.

Les médecins devront, quant à eux, formaliser leurs prescriptions de manière plus détaillée, en indiquant précisément les caractéristiques des pansements nécessaires (type, taille, adhésivité, fréquence de renouvellement). Cette exigence vise à éviter les approximations dans les ordonnances, mais risque d’alourdir la charge administrative des praticiens. Du côté des pharmaciens, cette nouvelle régulation impose une adaptation des stocks et un accompagnement renforcé des patients. Désormais, ils ne pourront délivrer qu’une quantité limitée de pansements pour la première période de soins et devront s’assurer que tout renouvellement soit conforme aux indications du prescripteur.

Une adaptation du parcours de soins, entre efficacité et contraintes

L’optimisation de l’usage des pansements s’inscrit dans une volonté de rationalisation des soins et de réduction des coûts de santé. En limitant l’accumulation de dispositifs non utilisés, le gouvernement cherche à garantir une meilleure gestion des ressources médicales. Toutefois, cette réforme introduit des contraintes organisationnelles pour les soignants. Les médecins devront anticiper les besoins évolutifs des patients et fournir des prescriptions plus précises, tandis que les infirmiers auront la responsabilité d’évaluer et d’ajuster les renouvellements.

Les professionnels de santé s’inquiètent également du risque de rupture de soins. Si les renouvellements ne sont pas validés à temps, certains patients pourraient se retrouver sans pansements avant de pouvoir obtenir une nouvelle prescription. Une coordination fluide entre les médecins, les infirmiers et les pharmaciens sera donc indispensable pour éviter tout retard dans la prise en charge. Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), estime que "cette limitation peut être bénéfique si elle s’accompagne d’un suivi rigoureux", mais souligne également que la mise en œuvre pratique pourrait poser des difficultés en termes de logistique et de gestion des patients.

Quel impact sur la prise en charge des patients ?

Si cette réforme vise une meilleure allocation des ressources médicales, elle pourrait poser problème pour certains profils de patients, notamment ceux souffrant de plaies chroniques ou nécessitant un traitement prolongé. La réduction de la quantité initiale délivrée pourrait compliquer leur prise en charge si les délais de renouvellement ne sont pas correctement anticipés. Les syndicats infirmiers alertent sur la nécessité d’un cadre de prescription adapté, qui tienne compte des réalités du terrain et des spécificités de chaque patient.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

No comment on «L’hôpital manque de moyens, vous êtes priés de moins mettre de pansements»

Leave a comment

* Required fields