Des ultrasons pour soigner les dépressions sévères : une piste prometteuse sans effets secondaires

Une équipe de chercheurs du GHU Paris, de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Paris Cité et de l’ESPCI Paris-PSL a publié, le 29 avril, dans la revue Brain Stimulation les résultats d’une étude inédite : l’usage d’ultrasons focalisés de faible intensité pour traiter des dépressions sévères résistantes aux traitements. Ce protocole novateur repose sur un dispositif portable capable de cibler précisément certaines zones cérébrales, sans nécessiter d’implantation ou d’intervention invasive.

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By Stéphanie Haerts Last modified on 6 mai 2025 19h34
Des ultrasons pour soigner les dépressions sévères : une piste prometteuse sans effets secondaires
Des ultrasons pour soigner les dépressions sévères : une piste prometteuse sans effets secondaires © Shutterstock

Cinq patients ont participé à cette expérimentation. Chacun a suivi un protocole de 25 séances de cinq minutes réparties sur cinq jours. Selon les auteurs : « Au cinquième jour de traitement, la gravité de la dépression avait été réduite en moyenne de 60,9 % ». Deux patients sur cinq étaient même en rémission. Et les effets secondaires ? Il n’y en a pas. « Aucun événement indésirable grave n'est survenu [...]. Aucun des patients n'a signalé de sensation ou de douleur sur le cuir chevelu pendant ou après les séances. Ils n'ont entendu aucun son », précisent les chercheurs dans la même publication.

Une technologie acoustique sur-mesure pour traiter la dépression sévère

L’appareil utilise des lentilles acoustiques individualisées, ajustées à la morphologie crânienne de chaque patient, pour garantir la précision du ciblage des ultrasons. L’onde sonore traverse le crâne sans dommage, atteignant des régions telles que le cortex cingulaire subcalleux, structure centrale dans la régulation de l’humeur et souvent perturbée dans les dépressions majeures. Ce procédé s’affranchit ainsi des lourdeurs chirurgicales des traitements par stimulation cérébrale profonde, qui nécessitent l’implantation d’électrodes invasives. L’absence d’anesthésie, de cicatrice, de douleur, et la facilité de mise en œuvre pourraient bien transformer l’approche clinique de ces patients pour lesquels aucun antidépresseur n’a jamais fonctionné.

Une piste confirmée au niveau international

L’efficacité de cette technique ne se limite pas à l’étude française. D’autres essais cliniques sont en cours en Caroline du Sud, au Canada, à Los Angeles, et à Paris. La Focused Ultrasound Foundation précise que « le traitement est autorisé en Corée du Sud » et que des études internationales ont confirmé sa bonne tolérance. Une étude sud-coréenne, randomisée et en double aveugle, publiée dans Psychiatry Investigation en août 2024, a démontré l’innocuité et l’efficacité de la technique. Le professeur Ji-Hyun Seok y affirme : « Aucun effet secondaire grave, aucune douleur, et une acceptabilité optimale par les patients ». En parallèle, une méta-analyse parue dans Biological Psychiatry en août 2024 conclut que « les ultrasons transcrâniens ciblant le thalamus ou le cortex préfrontal induisent une réduction significative des symptômes dépressifs chez les patients résistants, sans compromettre la sécurité neurologique ».

L’enthousiasme est palpable, mais la prudence reste de rigueur. Les auteurs de l’étude française eux-mêmes nuancent leur découverte, dans des propos rapportés par le site de L'Inserm : « Bien que les résultats soient encourageants, il faut les interpréter avec prudence, car il s’agit d’une première étude de sécurité sur un nombre limité de patients et sans groupe placebo ». Ces réserves méthodologiques sont fondées. Cinq patients, pas de bras témoin, un suivi court : c’est peu pour tirer des conclusions définitives. D’autres travaux devront confirmer la reproductibilité des résultats, évaluer leur durabilité, et affiner les paramètres d’intensité, de durée et de ciblage.

Mais l’enjeu est colossal. En France, selon Santé publique France, « 12,5 % des personnes de 18 à 85 ans ont connu un épisode dépressif caractérisé en 2021 ». Une personne sur cinq y sera confrontée au cours de sa vie. Or, près d’un tiers ne répondent pas aux traitements médicamenteux. Face à ce mur thérapeutique, les ultrasons offrent une alternative crédible, non invasive et indolore.

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Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

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