Santé mentale au travail : les entreprises face à une urgence silencieuse

Chaque jour, des millions de salariés français se rendent au travail, non pas par passion, mais avec une boule au ventre. Des souffrances qui empiètent sur leur santé mentale.

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By La rédaction Santé Matin Last modified on 19 mars 2025 15h37
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Santé mentale au travail : les entreprises face à une urgence silencieuse © Shutterstock

Stress chronique, burn-out, harcèlement… La souffrance psychologique liée au travail est un fléau silencieux qui ronge peu à peu la productivité et l’engagement des employés. Pourtant, le sujet reste tabou dans bien des entreprises, malgré une demande massive des travailleurs pour que la santé mentale devienne une priorité.

Un monde du travail toxique pour un tiers des salariés

Les résultats de la Grande Enquête sur la santé mentale au travail, menée par l’Ifop pour Moka.Care et le GHU Paris, sont accablants : 3 salariés sur 10 déclarent travailler dans un environnement toxique et irrespectueux. Pire encore, un tiers des employés ont été témoins ou victimes de violences verbales et de harcèlement moral. Autrement dit, l’espace professionnel, censé être un lieu d’épanouissement, se transforme parfois en arène où règnent stress et agressivité.

Ce climat délétère n’est pas sans conséquence : 47 % des salariés admettent que leur état mental a déjà nui à leur productivité, un chiffre qui grimpe à 56 % chez les moins de 35 ans. Le travail serait-il devenu un sacrifice pour la santé psychologique ? Pour Guillaume d’Ayguesvives, co-fondateur de Moka.Care, la réponse est sans équivoque : « La prévention au travail est la clé pour faire face à la dégradation de la santé mentale. Les entreprises ont tout à y gagner : en réduisant le mal-être au travail, elles limitent aussi l’absentéisme, le désengagement et ses impacts. »

Les jeunes générations refusent le sacrifice mental

Si certaines générations ont appris à composer avec la souffrance au travail, ce n’est pas le cas des Millennials et de la Génération Z. 56 % des jeunes actifs placent leur santé mentale avant leur carrière professionnelle, quitte à changer d’entreprise si les conditions de travail ne sont pas à la hauteur. Résultat : 20 % des moins de 35 ans ont déjà démissionné pour préserver leur équilibre psychologique. C’est deux fois plus que leurs aînés.

Le phénomène ne surprend plus les recruteurs. Avec l’essor du télétravail et l’accès facilité aux soins psychologiques, les attentes des salariés évoluent : ils privilégient des entreprises engagées, des rythmes de travail flexibles et une culture d’entreprise bienveillante. Autrement dit, un management « à l’ancienne », brutal et hiérarchisé, ne séduit plus personne. L’heure est aux politiques de bien-être au travail, à la reconnaissance des efforts et à la prévention des risques psychosociaux.

Des inégalités de genre préoccupantes

Si l’ensemble des salariés est concerné par les troubles psychiques liés au travail, les femmes sont particulièrement touchées. L’enquête de l’Ifop révèle que 38 % des femmes salariées souffrent de mal-être mental, contre 22 % des hommes. Les raisons ? 45 % des femmes disent avoir déjà souffert de stress chronique à cause du travail (contre 26 % des hommes), et 35 % ont vécu un burn-out dans les cinq dernières années (contre 21 % des hommes).

Cet écart alarmant entre hommes et femmes met en lumière les pressions supplémentaires que subissent ces dernières en entreprise : charge mentale, discrimination, plafond de verre… autant de facteurs qui amplifient le risque de souffrance psychologique. Pourtant, trop peu d’organisations prennent en compte cette réalité genrée dans leurs politiques de prévention.

Les entreprises face à leurs responsabilités

Les mentalités évoluent, et avec elles, les attentes des salariés. Aujourd’hui, 9 Français sur 10 considèrent que la santé mentale doit être une priorité en entreprise. Face à cette demande massive, 40 % des employés ont déjà consulté un psychologue ou un psychiatre, un chiffre qui grimpe à 50 % chez les moins de 35 ans et les Parisiens.

Mais alors, que font réellement les entreprises ? Trop souvent, la réponse se limite à des numéros verts ou des chartes d’engagement sans réel suivi. Pour Florence Patenotte, directrice communication & mécénat au GHU Paris, il est temps d’aller plus loin : « Le changement de regard sur les vulnérabilités et les maladies psychiques doit faire partie des défis de la responsabilité sociale des organisations, et cela passe aussi par une meilleure information, prévention et orientation vers l’offre de soins disponible. »

Certaines entreprises ont déjà compris l’urgence de la situation et mettent en place des solutions concrètes : accès facilité à des thérapeutes, semaines de travail allégées en période de forte pression, formations à la gestion du stress pour les managers… Mais ces initiatives restent minoritaires. L’urgence est là : la santé mentale des salariés doit devenir un enjeu central, et non un simple argument marketing.

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