Il suffit parfois d’un simple tweet pour déchaîner une haine d’une violence inimaginable. Dans une société japonaise à la modernité technologique incontestée, mais aux réflexes bien ancrés, une demande basique peut se transformer en bombe politique.
Japon : des serviettes hygiéniques déclenchent 8 000 menaces de mort

Le 27 mars 2025, Ayaka Yoshida, jeune politicienne japonaise affiliée au Parti communiste, a provoqué une onde de choc nationale après une publication sur le réseau X. En évoquant une mésaventure personnelle liée à l’absence de protection hygiénique dans les toilettes publiques, elle a réveillé les passions… et les pires pulsions. En quelques heures, plus de 8 000 menaces de mort se sont abattues sur elle, déclenchant une polémique d’ampleur nationale. À l’origine ? Une proposition aussi simple que symbolique : mettre des serviettes hygiéniques gratuites à disposition dans les lieux publics.
« Menaces » en cascade pour une proposition sanitaire de base
Difficile à croire, et pourtant bien réel : Ayaka Yoshida, élue à 27 ans dans la préfecture de Mie, a été prise pour cible par une avalanche de messages haineux, principalement reçus par e-mail. Son crime ? Avoir écrit sur X :
« J’étais dans le pétrin aujourd’hui quand mes règles sont arrivées. Malheureusement, l’hôtel de ville de Tsu n’avait pas de serviettes. Elles devraient être disponibles gratuitement, comme le papier toilette. »
Une remarque d’apparence anodine, tirée de son quotidien de femme active, mais qui a mis le feu aux poudres.
Toilettes, féminisme et ultraconservatisme : un cocktail inflammable
Le message, banal pour nombre de citoyennes, a provoqué une véritable levée de boucliers chez les réseaux masculinistes nippons. Ceux-ci l’ont perçue comme une provocation idéologique. La politicienne a répliqué fermement :
« Cela a pour but de m’intimider et de supprimer mon activité. »
Elle a aussitôt porté plainte, et la police a confirmé l’ouverture d’une enquête criminelle. Les services de cybersécurité ont notamment identifié qu’une grande partie des messages émanaient d’une même adresse email, réutilisée pour envoyer des menaces répétées.
Il faut dire que la réaction en dit long sur la fragilité du débat public japonais dès qu’il s’agit de genre. Les revendications féministes, même les plus élémentaires, comme l'accès à des protections hygiéniques dans les lieux publics, rencontrent souvent une hostilité sourde dans une société encore imprégnée de réflexes archaïques.
Quand l’hygiène menstruelle devient un sujet politique
Yoshida n’est pas une novice. Plus jeune élue de l’histoire de sa préfecture, elle s’est fait remarquer par ses prises de position audacieuses, notamment en matière d’égalité femmes-hommes et de santé publique. Mais cette fois, la violence de la réponse a franchi un seuil.
Ce qui choque dans cette affaire, ce n’est pas tant le débat sur la gratuité des serviettes hygiéniques, qui, ailleurs dans le monde, a déjà été tranché en faveur de la gratuité dans bien des cas, mais la brutalité de la réaction qu’elle a suscitée.
Faut-il rappeler qu’au Royaume-Uni, en Écosse, ou encore dans certains états australiens, la distribution gratuite de protections menstruelles est déjà une réalité légale ? Ou que la France, bien qu’encore partiellement engagée, a déjà instauré la distribution gratuite dans les collèges, lycées, universités et certains lieux publics depuis 2021, dans un mouvement initié par la lutte contre la précarité menstruelle ?
Le Japon à l’épreuve du féminisme d’utilité publique
Ce n’est pas la première fois qu’une politicienne japonaise est attaquée pour avoir voulu parler de règles, de santé ou de besoins basiques liés au corps féminin. Mais cette vague de « menaces » témoigne d’un refus d’évolution. Yoshida, elle, persiste et signe. Ni excuses, ni recul.
Dans un pays où les toilettes sont bardées de technologie mais où l’accès à une simple serviette hygiénique gratuite est vécu comme une atteinte à l’ordre établi, la modernité semble parfois ne s’arrêter qu’à la porte des tabous sociaux.
En France, une réalité déjà partiellement installée
Depuis mars 2021, des expérimentations locales ont été mises en place dans plusieurs établissements scolaires français, avec des distributeurs gratuits dans les toilettes. Aujourd’hui, de nombreuses régions ont pérennisé ces dispositifs, avec le soutien des collectivités.
La Ville de Paris, par exemple, a installé plus de 500 distributeurs dans des écoles et collèges publics. Une mesure soutenue par les associations féminines, qui rappellent que l’accès aux protections est une question de dignité, pas de confort.