À l’heure où le Parlement se penche sur une nouvelle législation encadrant l’aide à mourir et la fin de vie, les professionnels de santé s’interrogent sur les implications concrètes du texte. Dans un communiqué publié le 6 mai, l’Académie nationale de médecine alerte sur les zones d’ombre du projet de loi et appelle à des ajustements pour garantir la sécurité des patients et le cadre d’action des soignants.
Fin de vie : l’Académie de médecine veut un texte plus clair

La proposition de loi n°1100 relative à la fin de vie, portée par le député Olivier Falorni et débattue cette semaine à l’Assemblée nationale, introduit la possibilité, sous conditions strictes, pour un patient d’accéder à une aide à mourir. Elle inclut deux modalités : le suicide assisté et, dans certains cas, l’euthanasie. L’Académie nationale de médecine, tout en reconnaissant l’importance d’un débat législatif sur la fin de vie, estime que plusieurs points du texte nécessitent une clarification, notamment pour garantir la protection des personnes vulnérables et la cohérence des pratiques médicales.
Distinction nécessaire entre les pratiques d’aide à mourir
Le texte actuellement en discussion regroupe sous l’expression « aide à mourir » deux actes fondamentalement différents : le suicide assisté, dans lequel la personne accomplit elle-même l’acte entraînant la mort, et l’euthanasie, qui implique l’intervention directe d’un tiers, en général un professionnel de santé.
Pour l’Académie nationale de médecine, cette absence de distinction pose problème. D’un point de vue médical et éthique, les implications sont différentes, tout comme les responsabilités engagées. Ne pas différencier clairement ces modalités pourrait créer de la confusion, notamment sur les obligations des soignants, et brouiller le cadre d’évaluation des demandes formulées par les patients.
La position de l’Académie, exprimée précédemment dans son avis de juin 2023, repose sur la nécessité d’une formulation rigoureuse des options ouvertes aux patients, afin de garantir la lisibilité des pratiques et d’éviter toute dérive.
Encadrement des critères d’éligibilité et évaluation collégiale
La proposition de loi prévoit que l’accès à l’aide à mourir soit réservé aux personnes majeures, en capacité de discernement, atteintes d’une affection grave et incurable, et subissant des souffrances réfractaires. L’acte ne pourrait être accompli qu’à la demande expresse du patient.
Sur ces critères, l’Académie appelle à un encadrement renforcé. Elle souligne que toute décision en ce sens doit reposer sur une évaluation collégiale, associant médecins, psychologues, et équipes soignantes, dans une logique pluridisciplinaire. Cette évaluation doit être répétée dans le temps, afin de confirmer la stabilité de la demande et l’état de santé du patient.
Elle alerte aussi sur le risque d’élargissement implicite des indications. Des pathologies psychiques, des états de dépendance ou des troubles cognitifs ne devraient en aucun cas justifier une telle démarche, selon elle. Ces cas nécessitent avant tout un accompagnement adapté, et non une réponse létale.
Soins palliatifs : le socle encore fragile de l’accompagnement
L’accès effectif à des soins palliatifs de qualité reste un enjeu central dans le débat. L’Académie rappelle que ces dispositifs, essentiels pour soulager les douleurs et améliorer la qualité de vie des personnes en fin de vie, sont encore trop inégalement répartis sur le territoire.
Elle insiste sur la nécessité de garantir que toute personne candidate à l’aide à mourir ait, au préalable, bénéficié d’une prise en charge palliative complète. Ce préalable est non seulement une exigence thérapeutique, mais aussi une condition éthique permettant au patient d’exercer un choix libre et éclairé, en ayant exploré toutes les alternatives.
Ce point fait écho aux nombreuses études montrant que, dans des contextes de soins palliatifs renforcés, les demandes de fin de vie radicale diminuent. Il apparaît donc essentiel que cette politique publique soit consolidée avant toute extension législative des pratiques.
Responsabilité des soignants et sécurité du cadre juridique
Le texte introduit une clause de conscience, permettant aux professionnels de refuser de participer à un acte d’aide à mourir. L’Académie soutient cette mesure, mais souligne que le cadre d’intervention des soignants doit être précisé : qui rédige l’évaluation collégiale ? Quel est le rôle exact du médecin référent ? Qui assure la traçabilité des décisions ?
Ces questions sont cruciales pour éviter une insécurité juridique ou des interprétations divergentes d’un établissement à l’autre. Un cadre trop souple pourrait mettre en difficulté les équipes soignantes, alors même que leur engagement repose sur des principes de non-malfaisance et de respect de la vie.
L’Académie demande à ce que le texte législatif détaille davantage les modalités de mise en œuvre, notamment la formation des professionnels, les protocoles de vérification, et les mécanismes de contrôle a posteriori.