Epidémie de rougeole : le salon de l’Agriculture, cluster originel ?

Des cas de rougeole ont été détectés chez plusieurs personnes ayant fréquenté le Salon de l’agriculture 2025. Cette situation, suivie par les autorités sanitaires, soulève des questions sur la couverture vaccinale actuelle et les conditions de prévention lors de grands rassemblements.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 31 mars 2025 10h37
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Epidémie de rougeole : le salon de l’Agriculture, cluster originel ? © Shutterstock

Le 29 mars 2025, les autorités sanitaires françaises ont confirmé plusieurs cas de rougeole chez des individus ayant participé ou travaillé au Salon international de l’agriculture, organisé à Paris du 22 février au 2 mars. Si le virus de la rougeole avait quasiment disparu dans l’Hexagone grâce à la vaccination, cette recrudescence rappelle que son éradication dépend d’un équilibre fragile : une couverture vaccinale élevée, une détection précoce et une gestion rapide des cas groupés.

Une dynamique épidémique favorisée par un événement à forte affluence

Le Salon de l’agriculture constitue un environnement particulièrement propice à la transmission de virus respiratoires : densité de population élevée, brassage de publics issus de toutes les régions, interactions rapprochées et durée prolongée de contact dans des espaces clos.

Selon les données collectées par les agences sanitaires, les cas de rougeole identifiés début mars dans plusieurs régions (Île-de-France, Normandie, Auvergne-Rhône-Alpes et Occitanie) présentent un profil épidémiologique cohérent avec une exposition initiale durant l’événement parisien. Le délai d’incubation typique du virus — entre 10 et 14 jours — correspond à la chronologie des premières déclarations de symptômes.

Le cluster identifié dans un lycée agricole de l’Isère illustre ce mécanisme. Un élève ayant participé au Salon aurait été le cas index. La transmission s’est ensuite étendue à plusieurs contacts scolaires directs, entraînant une contamination secondaire rapide. Treize cas ont été confirmés dans cet établissement.

La rougeole : hautement contagieuse, encore sous-estimée

La rougeole est une maladie virale aiguë à très forte contagiosité. Le taux de reproduction de base (R₀) est estimé entre 12 et 18, ce qui la classe parmi les maladies infectieuses les plus transmissibles. Le virus se propage par voie aérienne, via des particules en suspension dans l’air, et peut rester actif dans l’environnement pendant plusieurs heures.

Contrairement à une perception encore répandue dans le grand public, la rougeole ne se limite pas à une éruption cutanée et une fièvre modérée. Elle peut provoquer des complications sévères : dans certains cas, des pneumonies nécessitent une hospitalisation, des atteintes neurologiques (encéphalites) peuvent survenir, et des décès sont recensés chaque année dans les pays où la couverture vaccinale est insuffisante.

Les personnes non immunisées, en particulier les jeunes adultes et les enfants en bas âge, sont les plus exposées. Or, selon les dernières données, près de 10 % des jeunes adultes en France n’auraient pas reçu les deux doses recommandées du vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole (ROR), pourtant disponible gratuitement dans les structures de soins primaires.

Couverture vaccinale insuffisante : un problème récurrent

Le seuil d’immunité collective permettant de bloquer la transmission de la rougeole est estimé à 95 % de couverture à deux doses. En France, ce taux est globalement atteint chez les jeunes enfants, mais il reste insuffisant dans certaines classes d’âge, en particulier chez les adolescents et les jeunes adultes. Ce déficit laisse subsister des poches de susceptibilité dans la population, favorisant des flambées locales en cas d’exposition au virus.

Les chiffres communiqués par Santé publique France confirment cette fragilité. Entre le 1er janvier et le 14 mars 2025, 180 cas de rougeole ont été recensés, soit plus du double par rapport à la même période en 2024, qui comptabilisait 83 cas. Ces chiffres traduisent moins une mutation du virus qu’une accumulation de facteurs structurels : relâchement de la vaccination, oubli des rappels, absence de politique de rattrapage systématique chez les jeunes adultes.

Interventions sanitaires : réponse locale et mesures d’urgence

Une fois le cluster scolaire identifié en Isère, la réponse sanitaire s’est articulée autour d’un triptyque classique mais efficace : vaccination ciblée, traçage des contacts et renforcement de la surveillance. L’Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes a rapidement déployé une campagne de vaccination dans les établissements concernés, en coordination avec les autorités éducatives. Les élèves, les personnels et les proches des cas confirmés ont été invités à vérifier leur statut vaccinal et à se faire immuniser en cas de besoin.

Parallèlement, les médecins généralistes et pédiatres de la région ont été alertés via les messages DGS-Urgent afin d’augmenter la vigilance clinique et de favoriser un repérage rapide des symptômes évocateurs. La stratégie repose ici sur une action précoce pour éviter la constitution d’une transmission communautaire secondaire. L’accès au vaccin reste libre et gratuit dans tous les centres de vaccination, pharmacies et cabinets médicaux pour les personnes nées après 1980 n’ayant pas reçu leurs deux doses.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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