Longtemps reléguées aux marges de la recherche cardiovasculaire, certaines cellules immunitaires sortent de l’ombre. Dans nos intestins, des sentinelles appelées cellules MAIT pourraient bien améliorer les stratégies contre une des principales causes de mortalité mondiale.
Des chercheurs découvrent que des cellules immunitaires éliminent le cholestérol

L’athérosclérose, ou comment le cholestérol piège les artères
Le cholestérol, on le connaît comme l’ennemi public numéro un des artères. En s’accumulant au fil du temps sur les parois internes, il forme ces fameuses plaques d’athérome responsables de l’athérosclérose. Une maladie insidieuse, progressive, qui peut soudain se transformer en drame : infarctus du myocarde ou AVC (accident vasculaire cérébral).
Voilà le résultat, quand une artère bouchée ou fissurée cède sous la pression. Mais le vrai scandale ? Malgré des décennies de recherche, les approches restent souvent limitées à la régulation par les statines, quand l’inflammation, le microbiote et l’immunité continuent d’être sous-estimés.
Cholestérol : les MAIT ouvrent une voie intestinale d’évacuation
C’est dans les laboratoires de l’Institut hospitalo-universitaire ICAN à Paris que l’équipe du chercheur Philippe Lesnik (Inserm, unité 1166) vient de jeter un pavé dans la mare. Leur découverte, publiée le 26 mars 2025 dans Circulation Research, change la donne. « En suivant le trajet du cholestérol dans l’organisme, nous avons découvert qu’il était davantage éliminé au niveau intestinal, évitant son accumulation dans les organes et dans les plaques d’athérome », explique Philippe Lesnik dans un article de l’Inserm publié ce 19 mai 2025.
Et ce mécanisme, selon lui, est directement attribuable à une population bien particulière, les cellules MAIT (Mucosal-Associated Invariant T cells). Présentes en majorité dans les muqueuses intestinales et pulmonaires, ces cellules ne se contentent pas de reconnaître les bactéries, elles régulent l’activation de la voie IL-22, essentielle dans l’expression de gènes tels que ABCB1a, ABCG5 et ABCG8, impliqués dans l’excrétion intestinale du cholestérol.
Trop peu de MAIT, trop de plaques
L’expérimentation sur les souris a été implacable. Les individus avec un déficit en MAIT ont vu l’athérosclérose se développer à grande vitesse. À l’inverse, ceux dotés d’une surabondance de ces cellules ont mieux résisté. Mais un phénomène intrigant a été observé, à mesure que la maladie progressait, le nombre de cellules MAIT circulantes diminuait.
Pourquoi ? « Ces cellules immunitaires sont recrutées dans l’intestin, probablement en réponse à des perturbations du microbiote intestinal, elles-mêmes liées à des habitudes alimentaires délétères qui favorisent le développement de l’athérosclérose », a détaillé le chercheur. La migration des MAIT vers l’intestin pour activer la voie IL-22 les ferait alors disparaître du sang, ce qui coïncide avec les observations faites chez les patients atteints de cette pathologie.
Un même scénario chez l’humain ?
Le plus fascinant reste à venir. Des corrélations ont été relevées chez des humains souffrant d’hypercholestérolémie. Moins de cellules MAIT dans le sang, plus de cholestérol VLDL-C (very low-density lipoprotein). À l’inverse, plus les MAIT sont présents, plus le cholestérol HDL-C, le fameux « bon cholestérol » est élevé.
Cette équation immunitaire du métabolisme lipidique bouleverse les approches classiques. Et ce ne sont pas que des spéculations : les implications thérapeutiques sont déjà en ligne de mire. « Nos travaux suggèrent qu’elles pourraient constituer de bonnes cibles pour développer de nouveaux traitements contre l’athérosclérose », conclut Philippe Lesnik dans l’article de l’Inserm.