Un essai clinique international ouvre de nouvelles perspectives pour les patients à risque cardiovasculaire héréditaire. Un médicament expérimental développé par Lilly affiche des résultats remarquables sur la réduction d’un marqueur génétique longtemps considéré comme intouchable.
Maladie cardiaque : ce médicament réduirait de 94% les risques génétiques

Le laboratoire américain Eli Lilly annonce des résultats spectaculaires dans un essai de médicament de phase intermédiaire sur le lepodisiran, un traitement expérimental visant à réduire un facteur de risque génétique jusqu’ici considéré comme inatteignable.
Lipoprotéine(a) : une cible jusqu’ici hors de portée
Parmi les nombreux facteurs de risque impliqués dans les maladies cardiovasculaires, la lipoprotéine(a), ou Lp(a), occupe une place à part. D’origine génétique, peu connue du grand public, elle est pourtant associée à un sur-risque significatif d’infarctus du myocarde, d’AVC ischémique, de sténose valvulaire aortique et d’athérosclérose périphérique. Contrairement au cholestérol LDL, elle ne répond pas aux modifications du mode de vie ni aux traitements classiques, notamment les statines. En l’absence de thérapie spécifique, les cliniciens restent souvent désarmés face à des patients porteurs d’un taux élevé de Lp(a).
Cette situation pourrait évoluer rapidement avec l’arrivée d’une nouvelle génération de molécules ciblant spécifiquement cette particule lipoprotéique. En tête de file : le lepodisiran, développé par le laboratoire Eli Lilly.
Un essai clinique de médicament révélateur présenté à Chicago
C’est dans le cadre du congrès de l’American College of Cardiology, le 30 mars 2025, que les résultats d’un essai de phase intermédiaire ont été rendus publics. Le protocole évaluait l’innocuité et l’efficacité du lepodisiran chez des adultes présentant un taux élevé de Lp(a).
La substance, administrée par voie sous-cutanée en une ou deux injections de 400 mg, a permis de réduire de près de 94 % les concentrations plasmatiques moyennes de Lp(a) sur une période de six mois. Cette réduction a été mesurée à partir du jour 60 jusqu’au jour 180, comparativement au groupe placebo.
L’étude a inclus un total de 210 participants, dont 141 dans le groupe traitement et 69 dans le groupe placebo. Aucun événement indésirable grave lié au médicament n’a été rapporté, ce qui confirme un profil de tolérance favorable.
Les résultats ont été publiés en parallèle dans le New England Journal of Medicine, garantissant leur validation par la communauté scientifique. Ils constituent l’une des premières démonstrations concrètes de l’efficacité d’un ARN interférent de longue durée d’action sur la lipoprotéine(a).
Une piste thérapeutique structurante pour la prévention
L’enjeu de ce type de traitement dépasse la seule baisse des taux biologiques. Il s’agit désormais de déterminer si cette diminution se traduit par une réduction effective des événements cardiovasculaires majeurs – infarctus, AVC, décès d’origine cardiaque. Pour cela, un essai de phase 3 est en cours, mené à l’échelle internationale. Il vise à mesurer l’impact clinique direct du lepodisiran chez des patients à haut risque, avec ou sans antécédents.
Si les résultats confirment l’effet protecteur attendu, ce traitement pourrait changer la prise en charge de plusieurs millions de patients dans le monde, notamment ceux chez qui une élévation isolée de Lp(a) constitue le principal facteur de risque, en l’absence de comorbidités classiques.
En France, l’estimation des personnes concernées par une hyperlipoprotéinémie(a) significative dépasse le million de cas, bien que le dosage de ce marqueur soit encore peu pratiqué en routine. Une prise de conscience pourrait s’enclencher dans les années à venir si le médicament obtient une autorisation de mise sur le marché (AMM) en Europe ou aux États-Unis.
Mécanisme d’action et spécificités du lepodisiran
Le lepodisiran est un médicament qui agit directement sur le foie pour empêcher la fabrication d’une substance appelée lipoprotéine(a), connue pour augmenter les risques de maladies cardiaques. Il utilise une technologie très précise qui bloque un message envoyé aux cellules pour produire cette substance.
L’un de ses grands avantages est qu’il reste actif très longtemps dans l’organisme : une ou deux injections par an pourraient suffire. C’est un point fort important, car cela rend le traitement plus simple à suivre pour les patients.
D’autres laboratoires testent des médicaments similaires, mais le lepodisiran semble, pour l’instant, être celui qui obtient les meilleurs résultats avec le moins d’injections.
Perspectives réglementaires et enjeux cliniques
Lilly prévoit de finaliser le recrutement de l’étude de phase 3 au cours de l’année 2025. Les résultats définitifs sont attendus pour 2026. En cas de succès, la société pourrait déposer une demande d’AMM auprès des autorités sanitaires américaines et européennes.
Si l’approbation est obtenue, le lepodisiran pourrait devenir le premier traitement validé spécifiquement pour la réduction de la Lp(a), avec un statut similaire à celui des inhibiteurs de PCSK9 à leur lancement.
Cette perspective soulève également la question de la routinisation du dépistage de la Lp(a). Les recommandations actuelles ne prévoient pas systématiquement ce dosage. Mais face à une thérapie disponible, simple à administrer et bien tolérée, les sociétés savantes pourraient réviser leurs lignes directrices afin d’élargir le champ de la prévention.