Le débat sur la fin de vie ne se limite pas à la question de l’euthanasie. Derrière les batailles politiques, un enjeu fondamental subsiste : l’accès aux soins palliatifs.
Peut-on parler d’euthanasie quand les soins palliatifs sont insuffisants ?

Le gouvernement a annoncé le 26 février 2025 que son projet de loi sur la fin de vie serait divisé en deux textes distincts. L’un portera sur l’euthanasie, tandis que l’autre concernera les soins palliatifs. Officiellement, cette scission vise à éviter la confusion entre deux questions de nature différente : d’un côté, le développement de structures de soins pour accompagner la fin de vie ; de l’autre, la possibilité d’une aide médicale à mourir.
Que prévoit le projet de loi sur les soins palliatifs ?
Le texte gouvernemental entend renforcer l’offre de soins palliatifs en France et garantir une meilleure accessibilité aux patients. Parmi les mesures annoncées :
- Un développement des unités de soins palliatifs (USP) : ces structures hospitalières spécialisées sont actuellement sous-dotées, avec de fortes disparités régionales. L’objectif serait d’ouvrir de nouvelles unités dans les départements où elles sont absentes.
- Une augmentation du nombre de lits dédiés : aujourd’hui, la France compte environ 6 500 lits de soins palliatifs, un chiffre largement insuffisant au regard des besoins estimés à 20 000.
- Un renforcement des équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) : ces équipes, qui interviennent directement dans les établissements de santé ou à domicile, manquent de personnel.
- Une meilleure formation des professionnels de santé : actuellement, de nombreux médecins et infirmiers ne sont pas suffisamment formés aux soins palliatifs, ce qui limite leur développement.
- Une enveloppe budgétaire supplémentaire : le gouvernement prévoit une augmentation des financements, mais sans donner encore de chiffres précis.
Ces annonces sont accueillies avec prudence par les associations et les professionnels de santé, qui craignent un effet d’affichage sans réel impact sur le terrain.
Soins palliatifs en France : un accès très inégalitaire
Aujourd’hui, le système français de soins palliatifs souffre d’importantes lacunes.
Chaque année, environ 300 000 personnes auraient besoin d’une prise en charge palliative en France. Pourtant, seule une personne sur deux y a réellement accès, faute de structures adaptées ou d’équipes suffisantes.
Indicateur | Chiffre actuel | Besoin estimé |
---|---|---|
Unités de soins palliatifs (USP) | 160 | 250 |
Lits de soins palliatifs | 6 500 | 20 000 |
Équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) | 430 | 600 |
Ces chiffres montrent un retard conséquent par rapport aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui préconise un accès aux soins palliatifs pour 100 % des patients en ayant besoin.
Une couverture géographique insuffisante
L'inégalité de couverture en soins palliatifs dépend largement des territoires.
- 20 départements ne disposent d’aucune unité de soins palliatifs.
- L’Île-de-France concentre à elle seule 20 % des lits disponibles, alors que certaines régions rurales manquent cruellement de structures.
- Les soins palliatifs à domicile sont largement sous-développés, notamment en raison d’un manque de personnel formé.
Cette situation génère une profonde inégalité : selon leur lieu de résidence, les patients en fin de vie ne bénéficient pas des mêmes conditions d’accompagnement.
L’euthanasie : quelles conditions pour y accéder ?
Le second texte du projet de loi concerne l’aide active à mourir. Inspiré des modèles belge et canadien, il pose plusieurs conditions pour bénéficier d’une euthanasie ou d’un suicide assisté :
- Être majeur et en pleine capacité de discernement.
- Souffrir d’une maladie incurable, avec des souffrances physiques ou psychiques insupportables.
- Faire une demande répétée et exprimée de manière éclairée.
- Obtenir l’avis d’un collège médical avant validation.
Contrairement à la Belgique, la France n’autoriserait pas l’euthanasie pour des troubles psychiatriques ou des maladies neurodégénératives sans pronostic vital engagé. Ce cadre légal suscite de nombreuses craintes. Certains soignants redoutent une banalisation de l’acte, tandis que des associations comme Soulager mais pas tuer dénoncent un risque de pression sur les personnes âgées et vulnérables.
En effet, la Belgique a amendé sa loi autorisant l'euthanasie année après année, jusqu'à l'ouvrir aux mineurs, aux prisonniers et aux personnes souffrant de troubles comme l'anorexie. Déjà, le concept de souffrance psychique insupportable est difficile à évaluer.