Une nouvelle étude européenne met en évidence le lien direct entre une très courte exposition à la publicité alimentaire et une augmentation de la consommation calorique chez les enfants.
Malbouffe : la santé des enfants piégée en cinq minutes à cause de la publicité

Le 11 mai 2025, une étude présentée lors du Congrès européen sur l’obésité à Malaga a révélé que cinq minutes d’exposition à des publicités pour des produits alimentaires riches en gras, en sucre ou en sel suffisent à faire augmenter la consommation quotidienne de calories chez les enfants. Ces résultats, issus d’une recherche conduite sur 240 enfants âgés de 7 à 15 ans, viennent appuyer les préoccupations déjà formulées depuis plusieurs années par les autorités sanitaires à propos du rôle du marketing dans la progression du surpoids et de l’obésité infantiles.
Une étude expérimentale sur l’influence publicitaire à court terme
Les chercheurs de l’Université de Liverpool ont analysé le comportement alimentaire d’un groupe d’enfants après leur exposition à des publicités pour des aliments à haute densité énergétique. Les résultats montrent que les participants consommaient en moyenne 130 kilocalories supplémentaires par jour après avoir regardé cinq minutes de contenu publicitaire promouvant des aliments riches en matières grasses, sucres ou sel.
Cette augmentation, bien que ponctuelle, est jugée significative car répétée au quotidien, elle peut conduire à une prise de poids progressive. Selon les données présentées, cette exposition entraîne une consommation accrue aussi bien lors des collations que des repas. En moyenne, les enfants consommaient 58 kilocalories supplémentaires au moment du goûter et 72 kilocalories de plus au déjeuner, comparativement à un groupe témoin ayant été exposé à des publicités neutres ou non alimentaires.
L’étude indique également que les enfants ayant un indice de masse corporelle (IMC) plus élevé sont plus susceptibles de réagir fortement à ces stimulations publicitaires. Cet effet différentiel souligne l'importance de tenir compte des vulnérabilités individuelles dans les stratégies de prévention.
Des résultats cohérents avec les données françaises de Santé publique France
Ces résultats ne sont pas isolés. En France, Santé publique France avait déjà mis en lumière en 2020 que plus de la moitié des publicités vues par les enfants concernent des produits classés Nutri-Score D ou E, soit les catégories les moins favorables sur le plan nutritionnel.
Les horaires de diffusion sont également un facteur aggravant : la majorité de ces messages est diffusée entre 19h et 22h, période où plus de 20 % des enfants sont exposés à la télévision. Internet, de plus en plus utilisé par les adolescents, devient également un canal privilégié pour ces messages. Or, à ce jour, il n’existe aucune régulation systématique et contraignante pour limiter l’exposition des mineurs à ce type de contenu sur les plateformes numériques.
Les investissements publicitaires restent importants : en 2018, près de 1,1 milliard d’euros ont été consacrés à la promotion des produits alimentaires, dont près de la moitié concernait des produits de qualité nutritionnelle défavorable.
Les recommandations des professionnels de santé
Les professionnels de santé appellent depuis plusieurs années à une limitation stricte de l’exposition des enfants à la publicité alimentaire. Ce positionnement est fondé sur des données scientifiques solides qui montrent que l’exposition régulière à des messages promouvant des produits à forte densité énergétique influence non seulement la consommation immédiate, mais aussi les préférences alimentaires, le rapport à la faim, et même les demandes formulées aux parents.
Les enfants ne disposant pas encore de la maturité nécessaire pour évaluer de manière critique ces contenus, ils sont particulièrement vulnérables. Selon Anne-Juliette Serry, responsable de l’unité nutrition et activité physique à Santé publique France, "l’exposition répétée à ces publicités renforce les préférences pour des produits peu équilibrés et favorise leur consommation au détriment des aliments plus sains".
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande depuis 2010 que les pays membres encadrent sévèrement le marketing destiné aux enfants, en particulier pour les aliments à faible valeur nutritionnelle. Plusieurs pays ont pris des mesures concrètes en ce sens, notamment le Canada et le Royaume-Uni, qui mettra en œuvre une interdiction de ces publicités sur les chaînes télévisées et les plateformes en ligne dès octobre 2025, entre 5h30 et 21h.
Une régulation encore limitée en France
En France, il n’existe actuellement aucune interdiction légale globale des publicités alimentaires à destination des enfants. Les chaînes du service public ont volontairement limité ces diffusions dans les programmes jeunesse, mais cela ne concerne qu’une infime partie des contenus effectivement consommés par les jeunes téléspectateurs.
L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) s’appuie sur des chartes de bonnes pratiques, signées par les industriels et les diffuseurs, pour limiter la portée de ces campagnes. Toutefois, ces engagements ne sont ni contraignants ni systématiquement contrôlés.
De nombreuses voix dans le secteur de la santé publique réclament une intervention plus ferme du législateur, en s’appuyant notamment sur des outils comme le Nutri-Score pour catégoriser les produits pouvant ou non faire l’objet de promotion à destination des mineurs.