Aspartame : faut-il interdire ce substitut de sucre cancérogène ?

Des sodas « light » aux chewing-gums sans sucre, en passant par les yaourts allégés et les médicaments, cet édulcorant est devenu un ingrédient omniprésent dans l’industrie agroalimentaire. Pourtant, depuis plusieurs décennies, des études pointent du doigt ses effets potentiels sur la santé. Jugé suspect, mais toujours autorisé, l’aspartame se retrouve aujourd’hui sous le feu des projecteurs avec une pétition européenne d’envergure, portée par Yuka, la Ligue contre le cancer et Foodwatch. Leur objectif : faire interdire cet additif controversé avant qu’il ne cause des dégâts irréversibles.

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Par Jade Blachier Publié le 4 février 2025 à 17h24
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Le 4 février 2025, trois associations de défense de la santé et de la consommation, Yuka, Foodwatch et la Ligue contre le cancer, ont lancé une pétition européenne pour réclamer l’interdiction immédiate de l’aspartame. Cet édulcorant artificiel, présent dans plus de 2 500 produits alimentaires et pharmaceutiques, est sous le coup de doutes scientifiques majeurs depuis des décennies.

En juillet 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), organe de l’OMS, l’a classé comme « peut-être cancérogène ». Une qualification prudente, mais qui relance un débat fondamental : peut-on laisser sur le marché une substance dont le potentiel nocif est suspecté depuis plus de 30 ans ? Pourquoi les autorités sanitaires tardent-elles à appliquer le principe de précaution alors que d’autres additifs ont été bannis sur des bases moins inquiétantes ?

Derrière cette pétition, c’est une question de santé publique majeure qui est soulevée. Alors que les industriels défendent leur produit en invoquant un manque de preuves définitives, les associations dénoncent une passivité politique et réglementaire face à une menace qui pourrait concerner des millions de consommateurs.

L’aspartame, cet intrus insidieux dans notre alimentation

Présenté comme une alternative au sucre, l’aspartame a été introduit sur le marché dans les années 1980 avec la promesse de réduire l’apport calorique et lutter contre l’obésité. Il est aujourd’hui utilisé dans les boissons gazeuses allégées, les desserts allégés, les chewing-gums, les bonbons sans sucre et même certains médicaments comme des sirops pour la toux ou des comprimés effervescents.

Contrairement au sucre, l’aspartame n’élève pas immédiatement la glycémie, ce qui en a fait un allié apparent des diabétiques et des personnes surveillant leur poids. Pourtant, des études récentes montrent que ce raisonnement est un leurre.

Une étude de l’INSERM publiée en 2022 a établi qu’une consommation régulière d’aspartame augmentait significativement le risque de développer certains cancers. D’autres travaux ont mis en lumière une augmentation du risque de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires chez les consommateurs réguliers. Plus troublant encore, l’aspartame ne favoriserait pas réellement la perte de poids. Au contraire, il perturberait le métabolisme et entraînerait, sur le long terme, un effet inverse en favorisant la prise de poids.

Une pétition pour briser l’inaction politique

Face à ces éléments, Yuka, Foodwatch et la Ligue contre le cancer ont décidé de lancer une pétition simultanément dans 11 pays européens, visant à contraindre la Commission européenne à prendre une position claire sur l’aspartame.

L’initiative s’appuie sur trois revendications majeures. L’application du principe de précaution, qui impose d’interdire une substance dès lors que des doutes sérieux pèsent sur sa sécurité; une réévaluation transparente et indépendante de l’aspartame par des instances non influencées par l’industrie agroalimentaire, ce qui, selon les associations, n’a pas été le cas lors des précédentes évaluations menées par l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments); la reconnaissance du fait que l’aspartame est inutile, puisque d’autres alternatives existent, sans risques documentés.

L'opinion des lanceurs d'alerte

Julie Chapon, co-fondatrice de Yuka, souligne que « 95 % des utilisateurs de l’application ont cessé d’acheter des produits contenant des additifs controversés ». Selon elle, les consommateurs doivent aujourd’hui passer à l’étape suivante en exerçant une pression politique directe.

Philippe Bergerot, président de la Ligue contre le cancer, considère que « l’inaction n’est plus une option ». Il rappelle que « les industriels et les autorités ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas ».

Camille Dorioz, directeur des campagnes de Foodwatch, dénonce quant à lui « un manque de courage politique inacceptable », et appelle à une prise de décision immédiate.

Un mur de résistance : l’industrie et les autorités sanitaires

Malgré ces alertes répétées, les industriels agroalimentaires et les agences sanitaires s’opposent fermement à une interdiction.

Les entreprises qui utilisent l’aspartame mettent en avant l’absence de preuves irréfutables, et insistent sur les nombreuses études qui concluent à son innocuité dans les doses recommandées. Elles rappellent également que les agences sanitaires de plusieurs pays, dont l’EFSA et la FDA aux États-Unis, n’ont pas jugé nécessaire de modifier la dose journalière admissible de 40 mg/kg.

Du côté des autorités sanitaires, le discours officiel reste prudent. L’OMS reconnaît un signal préoccupant, mais estime qu’il n’y a pas assez de données pour justifier une interdiction immédiate.

Les pressions économiques sont majeures. Une interdiction de l’aspartame obligerait les industriels à reformuler des milliers de produits, avec des pertes financières colossales. Les grands groupes agroalimentaires, dont Coca-Cola et Nestlé, ont d’ailleurs déjà mobilisé leurs lobbys pour bloquer toute tentative de régulation plus stricte.

Une décision qui pourrait bouleverser le marché

Si cette pétition recueille plus d’un million de signatures, elle contraindra la Commission européenne à examiner officiellement la question. Un précédent existe déjà : en 2019, Yuka, Foodwatch et la Ligue contre le cancer avaient mené une campagne contre les nitrites ajoutés. Avec plus de 500 000 signatures, cette action avait forcé l’État français à adopter des mesures de réduction.

Si la mobilisation est massive, les industriels pourraient être obligés d’anticiper une interdiction en cherchant des alternatives à l’aspartame.

Entre prudence et action immédiate

Attendre des preuves définitives, c’est peut-être attendre trop tard. Les consommateurs disposent désormais de l’information et des moyens d’action. En attendant une interdiction éventuelle, ils peuvent limiter leur exposition à l’aspartame, en lisant attentivement les étiquettes et en privilégiant une alimentation plus naturelle.

La santé publique doit-elle encore une fois s’incliner face aux intérêts économiques ? Ou est-il temps de prendre une décision courageuse et d’enfin tourner la page de l’aspartame ?

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