Santé mentale : l’éco-anxiété serait un enjeu public

Une nouvelle étude révèle l’ampleur d’un phénomène encore peu documenté : l’éco-anxiété. Cette forme d’inquiétude environnementale touche aujourd’hui des millions de Français et soulève des interrogations majeures en matière de santé mentale publique.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 15 avril 2025 17h55
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Santé mentale : l’éco-anxiété serait un enjeu public © Shutterstock

Le 15 avril 2025, l’Observatoire de l’Éco-anxiété (OBSECA), en partenariat avec l’ADEME (Agence de la transition écologique) et avec le soutien de l’institut E5t, a publié une étude inédite portant sur les effets de l’éco-anxiété sur la santé mentale des Français. Il s’agit de la première enquête nationale à objectiver ce phénomène à partir d’un outil de mesure spécifiquement élaboré. L’étude, menée entre le 26 août et le 4 septembre 2024 auprès d’un échantillon représentatif de 998 personnes âgées de 15 à 64 ans, met en lumière un sujet encore peu pris en compte par les politiques de santé publique : le mal-être psychique suscité par les enjeux environnementaux.

Définition et caractéristiques de l’éco-anxiété

L’éco-anxiété se distingue par une détresse émotionnelle liée à la dégradation de l’environnement, en particulier au changement climatique. Elle se manifeste par une inquiétude persistante, parfois accompagnée de troubles du sommeil, d’un sentiment d’impuissance ou encore d’une culpabilité quant à son propre impact écologique. L’étude rappelle que cette forme d’anxiété n’est pas synonyme d’engagement écologique ni de conscience environnementale : elle en est une conséquence psychologique potentiellement délétère.

L’OBSECA précise que l’éco-anxiété ne constitue pas en soi une pathologie. Cependant, ses formes les plus sévères peuvent interférer avec le fonctionnement quotidien et justifier une prise en charge psychothérapeutique. À mesure que les événements climatiques extrêmes se multiplient et que la perspective d’un avenir incertain se renforce, cette anxiété devient une réaction fréquente, notamment chez les jeunes adultes.

Une population hétérogène mais certains profils plus à risque

Les résultats de l’enquête montrent que 15 % des personnes interrogées présentent une éco-anxiété modérée. Ce niveau se traduit par des symptômes discrets mais persistants : tension mentale, inquiétudes récurrentes, sentiment de ne pas faire suffisamment pour l’environnement. À un stade plus avancé, 5 % de la population serait fortement touchée, avec des conséquences importantes sur leur qualité de vie. Et pour 5 % supplémentaires, soit environ 2,1 millions de Français, l’intensité des symptômes est telle qu’un accompagnement psychologique est recommandé. Parmi eux, environ 420 000 personnes présentent un risque élevé de développer des troubles anxieux ou dépressifs.

L’étude identifie plusieurs facteurs de vulnérabilité. Les adultes âgés de 25 à 34 ans sont les plus touchés, devant les 15-24 ans, puis les 50-64 ans. Le niveau d’études semble aussi jouer un rôle : les personnes diplômées du supérieur sont plus exposées que celles sans diplôme. Les femmes, en moyenne, présentent des scores d’éco-anxiété légèrement plus élevés que les hommes. Enfin, vivre en grande agglomération, particulièrement en Île-de-France, est associé à une intensification des symptômes, probablement en raison d’un sentiment accru de confrontation quotidienne aux problématiques environnementales.

Symptômes psychologiques et risques pour la santé

Les symptômes de l’éco-anxiété varient selon les individus. Chez certains, ils prennent la forme d’une angoisse ponctuelle ou d’un découragement passager. Pour d’autres, ils évoluent vers des manifestations chroniques : troubles du sommeil, irritabilité, difficultés de concentration, sentiment de solitude ou encore repli sur soi.

Dans les cas les plus sévères, cette détresse peut déboucher sur des troubles psychiques avérés, tels que des états dépressifs ou anxieux. Le sentiment d’impuissance face à la gravité des enjeux environnementaux, combiné à l’absence de perspectives rassurantes, peut créer un terrain favorable à l’épuisement émotionnel. L’étude rappelle que cette angoisse ne relève pas de l’hypersensibilité ou de la fragilité individuelle : elle s’ancre dans une réalité bien tangible, marquée par l’accumulation d’informations alarmantes sur l’état de la planète.

De la reconnaissance du phénomène à l’action

L’éco-anxiété, encore peu connue du grand public et parfois minimisée, tend à s’imposer comme une réalité clinique observable. Les professionnels de santé mentale sont de plus en plus confrontés à cette forme d’inquiétude lors de leurs consultations, notamment chez les jeunes adultes ou les personnes très engagées dans les causes environnementales.

Face à ce constat, l’étude propose plusieurs leviers d’action. Elle recommande un accompagnement individualisé des personnes concernées, fondé sur l’écoute, la validation de l’émotion, et la réorientation vers des démarches d’action concrète. L’un des objectifs est de transformer l’angoisse paralysante en engagement constructif.

Les auteurs de l'étude insistent également sur la nécessité d’intégrer la dimension écologique dans les pratiques de prévention en santé mentale. Sensibiliser les professionnels à ces nouvelles formes de détresse pourrait contribuer à un meilleur repérage et à une réponse adaptée. De manière plus large, ils appellent à une reconnaissance de l’éco-anxiété comme enjeu de santé publique, à inscrire dans les politiques de soutien psychologique.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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