L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) lance une campagne d’information sur les benzodiazépines, des médicaments fréquemment utilisés en France pour traiter l’anxiété et les troubles du sommeil. Ce dispositif vise à sensibiliser les usagers et les professionnels de santé aux effets indésirables de ces traitements et à promouvoir un usage raisonné.
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Le 10 avril 2025, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a initié une campagne nationale de sensibilisation concernant les benzodiazépines, des médicaments couramment prescrits contre l’anxiété et l’insomnie. Face à une consommation importante et souvent prolongée, l’agence souhaite rappeler les indications, les durées recommandées, les risques d’usage prolongé et les bonnes pratiques de prescription.
Un usage répandu mais encadré
Les benzodiazépines regroupent des substances aux propriétés anxiolytiques, hypnotiques, sédatives ou myorelaxantes. En France, plus de neuf millions de personnes ont reçu au moins une prescription de ces médicaments en 2023. Parmi les molécules les plus connues figurent l’alprazolam, le bromazépam, le lorazépam, le diazépam, le clonazépam, ainsi que les hypnotiques apparentés comme la zopiclone ou le zolpidem.
Ces médicaments agissent sur le système nerveux central en modulant l’activité du GABA (acide gamma-aminobutyrique), principal neurotransmetteur inhibiteur du cerveau. Leur action permet de réduire l’anxiété, de faciliter l’endormissement et de diminuer certaines tensions musculaires. Toutefois, leur efficacité à long terme est limitée, et leur usage doit rester temporaire.
L’ANSM rappelle que les durées maximales recommandées sont de 12 semaines pour les benzodiazépines anxiolytiques et de 2 à 4 semaines pour les hypnotiques, y compris la période de sevrage.
Des risques bien identifiés
La campagne de sensibilisation vise à mettre en lumière les effets indésirables potentiels liés à une utilisation prolongée ou inappropriée. Ces effets peuvent inclure une dépendance physique et psychologique, une altération de la vigilance, des troubles mnésiques, ainsi qu’un risque accru de chutes, notamment chez les personnes âgées.
Par ailleurs, une utilisation concomitante avec d’autres substances dépressives du système nerveux central, notamment l’alcool, majore significativement ces risques. Les benzodiazépines figurent également parmi les molécules fréquemment impliquées dans les accidents de la route liés aux médicaments.
La question de la dépendance est centrale. Selon les données actuelles, près de 40 % des patients traités par benzodiazépines dépassent la durée de prescription recommandée. Ce chiffre interpelle, en particulier chez les personnes de plus de 65 ans, qui représentent environ un patient sur deux sous traitement. Cette population est plus vulnérable aux effets secondaires tels que la sédation excessive et les troubles cognitifs.
Publics ciblés et enjeux de prévention
La campagne de l’ANSM s’adresse à la fois aux patients, aux professionnels de santé, et plus spécifiquement à deux groupes particulièrement concernés : les jeunes adultes (18-25 ans) et les personnes âgées.
Chez les plus jeunes, l’agence observe une hausse des prescriptions et un détournement d’usage croissant dans certains contextes festifs ou à visée récréative, souvent en association avec d’autres substances psychoactives. Entre 2017 et 2023, la prescription d’anxiolytiques a augmenté de 25 % chez les moins de 19 ans, et de 40 % chez les jeunes filles de cette tranche d’âge.
Chez les personnes âgées, les benzodiazépines sont souvent maintenues au long cours, parfois au-delà des recommandations cliniques, exposant cette population à un risque élevé de chutes, de troubles cognitifs, et d’interactions médicamenteuses.
La campagne encourage également les médecins à reconsidérer la pertinence des prescriptions, à évaluer les facteurs de risque individuels, et à recourir si possible à des alternatives non médicamenteuses, telles que la thérapie cognitivo-comportementale pour l’insomnie (TCC-I), ou des approches psychothérapeutiques dans le traitement de l’anxiété.
Outils et accompagnement des professionnels
Afin de soutenir les prescripteurs dans leur démarche, l’ANSM met à disposition plusieurs outils d’aide à la décision, en collaboration avec le Cespharm (Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française). Des documents pédagogiques, des brochures destinées aux patients, des vidéos explicatives ainsi que des supports pour les pharmaciens sont disponibles en accès libre.
Par ailleurs, l’agence invite les laboratoires pharmaceutiques à renforcer la production de petits conditionnements (5 à 7 comprimés) afin de limiter la durée des traitements dès l’initiation de la prescription. Cette mesure, déjà encouragée depuis 2022, vise à prévenir les prescriptions prolongées non justifiées.
Une mobilisation en santé publique à renforcer
En rappelant que les benzodiazépines doivent être considérées comme des traitements ponctuels, l’ANSM souhaite encourager une approche individualisée du soin, centrée sur la cause des troubles et non uniquement sur leurs symptômes.
L’enjeu est de taille : assurer un équilibre entre bénéfice thérapeutique et sécurité d’emploi, dans une perspective de santé publique durable.