CBD : l’Anses alerte sur un risque pour la fertilité

Présenté comme un remède naturel, le cannabidiol (CBD) est de plus en plus utilisé par des consommateurs en quête de bien-être. Mais cette molécule extraite du chanvre pourrait ne pas être aussi inoffensive qu’on le pense. Les autorités sanitaires alertent sur un risque potentiel pour la fertilité humaine.

Jade Blachier
By Jade Blachier Published on 3 avril 2025 11h33
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CBD : l’Anses alerte sur un risque pour la fertilité © Shutterstock

Le 21 mars 2025, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a transmis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) une proposition de classification du cannabidiol – plus connu sous l’acronyme CBD – en tant que substance « présumée toxique pour la reproduction humaine ». Cette initiative, désormais en phase de consultation publique jusqu’au 16 mai, pourrait déboucher sur un étiquetage de danger au niveau européen.

CBD : une molécule aux usages multiples, mais mal encadrée

Le cannabidiol est un composé extrait du cannabis, sans effet psychoactif, à la différence du tétrahydrocannabinol (THC). Il est présent dans de nombreux produits disponibles en vente libre : huiles sublinguales, infusions, gélules, cosmétiques, voire aliments. Utilisé pour ses propriétés supposées relaxantes, antalgiques ou anti-inflammatoires, il a gagné en popularité, notamment auprès de personnes souffrant d’anxiété, de douleurs chroniques ou de troubles du sommeil.

Pourtant, malgré sa diffusion croissante, le CBD échappe à une évaluation complète de son impact sanitaire. En l’absence d’un enregistrement au titre du règlement REACH – exigé pour toute substance chimique commercialisée dans l’Union européenne – aucune analyse toxicologique systématique n’avait jusqu’ici été menée. C’est précisément ce vide réglementaire que l’Anses souhaite combler.

Données animales : des altérations nettes de la fertilité et du développement

La proposition de classement déposée par l’Anses repose essentiellement sur des résultats d’études expérimentales conduites chez l’animal. Chez différentes espèces – rats, souris, singes – l’exposition au cannabidiol a montré des effets reproductifs préoccupants. Ces travaux ont mis en évidence une diminution de la production de spermatozoïdes, une altération de la structure des testicules, ainsi qu’un impact sur la fertilité globale.

D’autres études ont observé des conséquences lors de la gestation, avec un taux accru de mortalité périnatale, des anomalies du développement neurologique et des troubles du comportement chez la descendance. Ces effets sont susceptibles d’être liés à l’interaction du CBD avec le système endocannabinoïde, qui joue un rôle important dans la régulation hormonale, le développement embryonnaire et les fonctions cérébrales précoces.

Même si ces résultats ne permettent pas à ce stade d’établir un lien direct chez l’humain, le niveau de preuves disponibles est jugé suffisant pour justifier un classement en catégorie 1B, selon le règlement européen sur la classification des substances chimiques (CLP). Cela signifie que le CBD est considéré comme « présumé toxique pour la reproduction », sur la base de données animales robustes.

Chez l’humain : peu de données mais une exposition mal maîtrisée

Du côté des études cliniques, les données restent rares, éparses et souvent de faible qualité méthodologique. Quelques observations rapportent une modification des taux hormonaux ou des paramètres spermatiques chez des volontaires masculins exposés au CBD, mais les échantillons sont trop réduits pour en tirer des conclusions solides.

Surtout, un problème central persiste : la variabilité extrême des doses consommées dans la population générale. Les produits à base de CBD vendus en France ne sont pas standardisés, ce qui signifie que les concentrations en cannabidiol peuvent varier considérablement d’un flacon à l’autre, voire d’une prise à l’autre. Les modes de consommation – ingestion, vaporisation, application cutanée – influencent également l’absorption du composé dans l’organisme.

Or, les effets délétères observés chez l’animal apparaissent dans une fourchette de doses qui pourrait être atteinte, voire dépassée, chez certains consommateurs réguliers. En particulier, les enfants, les adolescents et les femmes enceintes constituent des groupes vulnérables pour lesquels aucune marge de sécurité n’a pu être établie.

Vers un encadrement réglementaire du CBD en Europe

La classification proposée par l’Anses s’accompagne d’un codage toxicologique précis : H360FD (peut nuire à la fertilité et au fœtus) et H362 (risque pour l’allaitement). Si elle est validée par le Comité d’évaluation des risques de l’ECHA, cette classification conduira à une obligation d’étiquetage de danger sur les produits contenant du CBD. Elle pourrait également entraîner des restrictions de mise sur le marché ou d’usage pour certaines catégories de population.

Il ne s’agit pas, à ce stade, d’interdire le cannabidiol. Mais de le replacer dans un cadre de vigilance cohérent avec les connaissances scientifiques disponibles. L’objectif est clair : informer les consommateurs et les professionnels de santé des risques potentiels, afin de permettre des choix éclairés.

La démarche réglementaire actuelle est d’autant plus importante qu’elle pourrait servir de modèle pour d’autres substances d’origine végétale, qui bénéficient parfois d’un statut perçu comme « naturel » mais dont les effets biologiques peuvent être puissants.

Jade Blachier

Diplômée en Information Communication, journaliste alternante chez Economie Matin.

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