Déserts médicaux : l’AN adopte un texte pour réguler l’installation des médecins sur le territoire

Face à une baisse continue de l’accès aux soins dans de nombreuses régions françaises, les parlementaires ont adopté, le 2 avril 2025, un texte transpartisan visant à instaurer un mécanisme de régulation de l’installation des médecins dans les déserts médicaux.

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By La rédaction Santé Matin Published on 3 avril 2025 11h41
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Déserts médicaux : l’AN adopte un texte pour réguler l’installation des médecins sur le territoire © Shutterstock

Une proposition de loi pour lutter contre les déserts médicaux

L’article 1 de la proposition de loi portée par le député Guillaume Garot (PS), soutenu par plus de 250 élus issus de plusieurs groupes politiques, a été adopté par 155 voix contre 85. Ce dispositif prévoit que les Agences régionales de santé (ARS) délivreront désormais une autorisation préalable pour toute nouvelle installation de médecins libéraux ou salariés. Dans les zones classées comme sous-dotées, cette installation serait automatiquement validée. En revanche, dans les territoires mieux couverts, elle ne serait autorisée qu’en remplacement d’un confrère partant.

Philippe Vigier (MoDem), cité par Le Figaro, précise que « les médecins auront encore la liberté de s’installer sur 87 % du territoire », ce qui signifie que cette régulation ne concernera qu’un peu plus de 12 % des zones, jugées en tension. Le texte prévoit également la création d’un indicateur territorial de l’offre de soins, actualisé chaque année pour mieux ajuster les autorisations. Cette approche reprend un modèle déjà en vigueur depuis janvier 2025 pour les chirurgiens-dentistes.

En parallèle, les articles suivants introduisent d’autres leviers de rééquilibrage territorial : l’article 3 impose la présence d’un cursus de première année de médecine dans chaque département, tandis que l’article 4 entend rétablir la permanence des soins ambulatoires (PDSA) dans les cabinets de ville. Enfin, une disposition supprime la majoration tarifaire pour les patients sans médecin traitant, une mesure visant à réduire les obstacles financiers à l’accès aux soins.

Levée de boucliers des syndicats

Malgré un soutien transpartisan d'une partie des députés, ce premier article de la proposition de loi portée par Guillaume Garot n’échappe pas aux critiques. L’une d’elles émane du ministre de la Santé, Yannick Neuder, qui estime, comme le relaye Le Monde, que « réguler une pénurie, même intelligemment, ne suffit pas à la résoudre ». Un avis partagé par plusieurs syndicats de médecins libéraux. Dans les colonnes de Capital, Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France, qualifie la mesure d’« ânerie », allant jusqu'à voir dans cet article « de la démagogie pure et dure ». Une intersyndicale, appuyée par l’Association des maires ruraux de France, a renchéri à ces propos dans son communiqué publié le 27 mars 2025, affirmant : « Réguler la pénurie ne résoudra pas la pénurie ».

Les organisations représentatives des internes et jeunes praticiens soulignent également les risques de fuite vers d’autres formes d’exercice, voire vers l’étranger. Bastien Bailleul, président de l’ISNAR-IMG, estime auprès de France Culture que « imposer un lieu d’exercice à des jeunes formés pendant dix ans risque de provoquer une fuite vers l’étranger ». Par ailleurs, le retour de la PDSA est critiqué pour sa lourdeur : les syndicats rappellent qu’elle est déjà assurée sur 96 % du territoire, et que l’imposer à tous risque d’augmenter la charge sur des professionnels déjà saturés.

Les constats dressés par la Cour des comptes, dans un rapport publié en mai 2024, confirment l’aggravation des inégalités. En 2022, 6,7 millions de Français n’avaient pas de médecin traitant, dont 714 000 souffrant d’affections de longue durée. Dans certains départements, comme la Seine-et-Marne ou le Cher, la densité tombe à 50 médecins pour 100 000 habitants, contre 274 dans les Hautes-Alpes. La Cour recommandait de fait d’explorer d’autres leviers, comme l’exercice à temps partiel dans les zones déficitaires, le développement de cabinets secondaires ou la création de centres de santé polyvalents hospitaliers dans les régions les plus affectées. Le Premier ministre François Bayrou, pour sa part, a annoncé la présentation, d'ici fin avril 2025, d'un « plan global d’organisation territoriale des soins » afin de concilier mesures incitatives et obligations ciblées.

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