L’engorgement massif des établissements de soins, l’allongement des délais de prise en charge et la pression croissante sur les soignants compromettent la qualité des soins et la sécurité des patients aux urgences.
Crise des urgences : le ministère de la Santé dévoile les chiffres de la honte

Le 19 mars 2025, un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) a révélé une aggravation marquée des délais de prise en charge aux urgences. La durée médiane de passage aux urgences atteint désormais trois heures, contre 2h15 en 2013, un allongement de 45 minutes en dix ans. Pour certains patients, notamment les personnes âgées et les cas complexes, ce délai dépasse souvent les huit heures. Cette crise est le résultat de dysfonctionnements systémiques touchant aussi bien l’offre de soins en ville, la gestion des capacités hospitalières, que l’organisation interne des services d’urgence.
Un allongement critique des délais de prise en charge
Les données issues des services d’urgences français montrent une aggravation continue des délais d’attente, compromettant le principe même de la médecine d’urgence qui repose sur la rapidité et l’efficacité de la prise en charge. En 2023, un patient sur deux a dû attendre plus de trois heures avant d’être pris en charge, contre 2h15 en 2013. Cette moyenne masque de profondes disparités : si certains patients sont pris en charge rapidement, 15 % d’entre eux ont attendu plus de huit heures, un seuil critique qui expose à des complications médicales graves.
L’une des causes majeures de cette saturation réside dans la multiplication des passages aux urgences pour des motifs qui pourraient être pris en charge en médecine de ville. En 2023, 21 % des patients ayant consulté aux urgences indiquaient l’avoir fait en raison de l’indisponibilité d’un médecin généraliste ou spécialiste, un chiffre en augmentation par rapport à 2013 (13 %). Cette défaillance de l’amont du système de santé entraîne une surcharge des urgences, où des patients non prioritaires viennent s’ajouter aux cas graves nécessitant une prise en charge immédiate.
Les facteurs aggravants : entre saturation hospitalière et pénurie de professionnels
L’un des problèmes centraux expliquant l’engorgement des urgences est la baisse continue des capacités d’hospitalisation en aval. Depuis 2013, la France a perdu 43 000 lits d’hospitalisation complète, soit une réduction de 11 % en dix ans. Cette diminution drastique complique la sortie des patients nécessitant une hospitalisation après un passage aux urgences, allongeant d’autant leur séjour dans ces services. De nombreux patients se retrouvent bloqués faute de place disponible, entraînant une désorganisation du flux de prise en charge et une occupation excessive des brancards.
Cette problématique est particulièrement marquée chez les personnes âgées. Plus de 36 % des patients de plus de 75 ans passent plus de huit heures aux urgences, une durée critique dans cette population fragile. Une étude française de novembre 2023 a montré que passer une nuit aux urgences augmente de 40 % le risque de mortalité chez ces patients, en raison de la désorganisation des soins, du risque accru d’infections nosocomiales et de la décompensation de pathologies chroniques.
La démographie médicale dégradée constitue un autre facteur de crise. Le nombre de médecins disponibles pour assurer la continuité des soins en ville et à l’hôpital est en baisse, alors que la demande de soins, elle, ne cesse de croître. En 2023, la France comptait 4,5 médecins pour 1 000 habitants, un ratio insuffisant pour faire face à l’augmentation des besoins de santé. À cela s’ajoute une pénurie d’infirmiers et d’aides-soignants dans les services d’urgences, qui subissent un taux d’absentéisme et de démissions record en raison de conditions de travail extrêmement éprouvantes.
Les conséquences directes pour les patients et les soignants
L’augmentation des délais d’attente aux urgences a des répercussions médicales directes. Un retard dans la prise en charge peut entraîner une aggravation de l’état clinique du patient, voire des complications évitables. Certaines pathologies nécessitent une intervention rapide, notamment les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les infarctus du myocarde, ou encore les décompensations respiratoires. L’augmentation des délais réduit l’efficacité des traitements d’urgence et met en péril le pronostic des patients.
Du côté des professionnels de santé, cette saturation se traduit par une charge de travail excessive et une pression psychologique intense. La multiplication des heures supplémentaires, le manque de repos et le stress lié à la gestion des urgences dans des conditions précaires entraînent une hausse des burn-outs et des départs prématurés du métier. Face à cette réalité, les services d’urgences peinent à recruter et à fidéliser leurs soignants, ce qui alimente un cercle vicieux de pénurie et de surcharge.
Quelles solutions pour désengorger les urgences ?
Pour remédier à cette situation critique, plusieurs pistes d’amélioration sont envisagées. La première concerne le renforcement de la médecine de ville pour éviter les passages inutiles aux urgences. Cela passe par une meilleure organisation des soins non programmés, avec l’instauration de créneaux spécifiques pour les consultations urgentes chez les médecins généralistes et spécialistes.
L’augmentation des capacités hospitalières est une nécessité. La réouverture de lits d’aval, notamment dans les services de gériatrie et de soins de suite, permettrait de fluidifier le parcours des patients et de réduire leur maintien prolongé aux urgences. Une meilleure coordination entre les services hospitaliers et les structures de soins primaires semble aussi essentielle.