Techniques de dépollution : l’état de l’art, avec SET Environnement

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Par Rédaction Modifié le 19 décembre 2017 à 16h18
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20 millionsLe nombre de tonnes d'amiante qu'il resterait à retirer en France

De plus en plus de substances, utilisées parfois massivement pendant des décennies comme l'amiante, tombent sou le coup d'une interdiction progressive, suivie d'une obligation de retrait. Éric Vallée, dirigeant de SET environnement, entreprise spécialisée en dépollution et plus spécifiquement en désamiantage, détaille pour Santé Matin les techniques permettant actuellement de venir à bout d'un certain nombre de fléaux présents dans notre environnement, sur nos lieux de travail, voire à l'intérieur de notre habitat.

Quelles réalités techniques le terme de dépollution recouvre-t-il ? Peut-on réellement tout dépolluer ?

Eric Vallée :La dépollution que nous effectuons à SET Environnement est celle du plomb et de l'amiante dans les équipements et les bâtiments. Techniquement, tout est dépolluable mais cela peut demander d'aller jusqu'au bout du cycle de vie du bâtiment : l'amiante est parfois située dans des endroits où elle ne pourra être retirée que le jour où le bâtiment sera complètement démoli. Cependant cela n'a parfois pas de sens de détruire tout le bâtiment pour aller chercher de l'amiante qui ne présente aucun danger. Par exemple, l'amiante présente dans un réseau enterré sous un bâtiment ne présente de risques pour personne. Le danger vient de la poussière de l'amiante que l'on peut respirer. Seuls ces cas de figure imposent des actions immédiates.

L'amiante plus précisément, dont SET Environnement s'est fait une spécialité, est interdite depuis 1996 : représente-t-elle encore un danger plus de 20 après ?

EV : Les évolutions réglementaires font que l'exposition involontaire à l'amiante a fortement diminué. Grâce à une meilleure connaissance des endroits amiantés avec l'amélioration des diagnostics et grâce à l'amélioration de la réglementation des chantiers de retrait d'amiante, nous allons depuis quelques années dans le sens d'une bien meilleure sécurité. Mais le temps qui passe et la dégradation naturelle de certains matériaux qu'il suppose, implique de rester vigilant.

En quoi les chantiers de désamiantage sont-ils complexes d'un point de vue technique ?

EV : Le désamiantage est une déconstruction délicate d'un matériau dangereux. Son danger se situe au niveau du micromètre donc le danger est invisible à l’œil nu. Les bâtiments ne sont jamais les mêmes et l'amiante a été utilisé de manière différente à chaque fois. Chaque chantier a son propre niveau de complexité. Nous ne pouvons donc jamais reproduire de manière systématique la même procédure.

Lors des interventions en sites occupés, quelles sont les mesures destinées à optimiser la sécurité des occupants ?

EV : Pour optimiser la sécurité des occupants d'un site nous commençons par une évaluation des risques liés au bâtiment et à l'usage qui en est fait. Puis nous mettons en place des moyens de protection au delà même de ce que demande la réglementation. De plus je crois personnellement beaucoup au principe de transparence. Depuis quinze ans que je travaille dans le désamiantage je défends auprès de mes clients que le fait de ne pas assez communiquer peut créer de l'inquiétude, de la suspicion et de la défiance. Je suis partisan d'une communication spontanée et proactive sur ce qui se passe dans le bâtiment. Cela permet en outre une meilleure écoute des occupants. Cela passe par des CHSCT (Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) auxquels nous faisons une présentation. Puis nous écoutons les questions de ses membres afin d'adapter nos réponses et notre intervention.

Qu'en est-il de la protection des techniciens contre l'empoussièrement et les autres risques inhérents au désamiantage ?

EV : Les autres risques sont les risques classiques sur des chantiers de bâtiment et de déconstruction. Nous travaillons donc beaucoup sur la formation des travailleurs, sur les moyens matériels et les outils afin de mécaniser au maximum les tâches. Pour cela nous avons certifié notre management de sécurité avec la certification OHSAS 1801. Pour la protection des techniciens la réglementation impose des planchers de protection. La philosophie chez SET Environnement est de prendre le niveau de protection supérieur à ce que la réglementation demande. Nous faisons beaucoup de métrologie afin de vérifier que tout ce que nous faisons est adapté à la réalité.

La métrologie est la mesure de l'air. D'abord la mesure d'ambiance qui fonctionne par aspiration de l'air pendant 24 heures à travers une membrane. Cette membrane part ensuite en laboratoire sous un microscope électronique qui compte le nombre de fibres. Avec des lois statistiques nous pouvons ensuite déterminer une concentration de fibre d'amiante dans l'air. Puis la mesure sur porteur qui se fait sur l'épaule des travailleurs et qui permet d'avoir une vision précise du degré d'empoussièrement dans le champ respiratoire du travailleur.

Bien sûr, les travailleurs sont équipés de masques de protection respiratoire, il en existe plusieurs avec différents facteurs de protection. Une étude de l'INRS de 2016 a confirmé un certain nombre de facteurs de protection et nous suivons les conclusions de cette étude de très près. Cette étude va se poursuivre sur l'année 2018, donc ce sont des questions très régulièrement actualisées.

Dans le cadre du plan d'actions interministériel pour améliorer la prévention des risques liés à l'amiante (PAIA), les autorités souhaitent accompagner la « montée en compétences » des acteurs concernés par l'amiante. Quels en sont les enjeux pour la profession, et où en est-elle aujourd'hui en matière de formation ?

EV : La formation a été récemment mis en avant comme facteur essentiel de sécurité, c'est également ma conviction. Des évolutions ont donc eu lieu sur la formation de nos salariés. Ils sont tous soumis à des formations réglementaires obligatoires ainsi que des remises à niveau régulières selon leur fonction sur les chantiers.

La Direction Générale du Travail (rattachée au ministère du travail), s’attelle en ce moment au sujet de la formation pour mettre encore plus de contenu sur la connaissance et la formation des acteurs des entreprises de désamiantage. C'est un sujet très actuel sur lequel l'action a déjà commencé avec notamment les syndicats professionnels qui sont moteurs sur ces questions.

Je pense que cela va dans le bon sens pour deux raisons. Tout d'abord le désamiantage est une niche investie par très peu d'acteurs au niveau national et il n'y a pas encore d'écoles de désamiantage. La Direction Générale du Travail va donner du contenu à la formation et cela va dans le sens de la sécurité.

Et je crois que la formation a un réel enjeu social pour notre profession. Nous faisons un métier très technique et aujourd'hui le monde professionnel au sens large n'a pas encore les outils pour reconnaître les acteurs et les collaborateurs de cette profession. Le fait de leur donner accès à des formations, à des validations des acquis et de l'expérience et d'ainsi créer des équivalences de niveau scolaire, a une forte utilité sociale pour notre profession.

En 2014, l'équipe dirigeante dont vous faisiez partie a repris l'entreprise après le départ de son fondateur. Quelles sont les transformations que vous avez initiées ou achevées depuis que vous êtes à la tête de SET Environnement ?

EV : Depuis que je dirige SET Environnement, beaucoup de choses se sont passées, notamment une réorganisation interne du management. Nous avons voulu décentraliser la gouvernance et responsabiliser ainsi tous les acteurs. Je considère en effet que l'équipe complète de SET Environnement n'est pas seulement l'équipe dirigeante. Elle est une équipe historique compétente avec un très bon état d'esprit. Elle n'est pas la société d'une personne ou d'une équipe dirigeante, elle est un outil de travail pour tous. Tout le monde a son rôle à jouer et ses responsabilités à prendre au sein de l'entreprise.

D'un point de vue plus matériel depuis 2014, la société a continué sa croissance et nous avons dû déménager notre siège pour absorber celle-ci. Il nous fallait aussi un outil de travail plus adapté à notre époque et aux évolutions réglementaires.

D'après vous quel est le rôle du dirigeant ? Quelle vision avez-vous du management ?

EV : J'ai évolué aux côtés d'un dirigeant fondateur d'entreprise qui centralisait beaucoup le management et les prises de décision. Puis, du fait de mon implication, il m'a cédé peu à peu des responsabilités avant son départ de l'entreprise. C'était aussi dans le but de vendre la société car une société avec un dirigeant est plus facile à vendre. Cela m'a permis d'évoluer et j'ai trouvé cela très stimulant à titre personnel donc je souhaite pouvoir offrir cela à mes collaborateurs, chacun à son niveau. Chacun a des ambitions différentes dans une entreprise. Certains ont envie de progresser, certains se trouvent bien là où ils sont. Certains ont envie de s'impliquer et d'autres travaillent bien sans chercher à dépasser leurs prérogatives. Ce que je souhaite, c'est de ne pas freiner ceux qui veulent s'impliquer et se dépasser. Pour cela je veux leur donner les moyens de leurs ambitions et écouter leurs aspirations. Par exemple chacun de mes services a un budget propre sur lequel il a une liberté totale d'achat. Ainsi les responsables en question peuvent s'approprier leur mission complètement avec tous les enjeux et tous les pouvoirs d'un véritable chef d'entreprise.

Comment cette transition managériale est-elle vécue par vos collaborateurs ?

EV : La transition n'est pas évidente car elle peut déstabiliser certains. Avoir un dirigeant qui dit quoi faire dans les détails est rassurant car on est alors responsable de rien. Si l'on obéit strictement, c'est celui qui ordonne qui doit assumer son choix. Il faut donc opérer cette transition progressivement. Prendre des responsabilités c'est comme entrer dans un bain chaud. On trempe un doigt d'abord et puis petit à petit on y met le pied puis la jambe et on finit par s'y plonger. Cette évolution se fait dans la durée, avec des résultats formidables. Des personnalités se révèlent et je vois des collaborateurs évoluer de manière assez remarquable.

Le dirigeant que vous êtes n'est donc plus seul à décider ?

EV : Comme je le disais je considère que cette société est la société de tous les collaborateurs. Nous sommes une équipe dont je suis modestement le capitaine. Il faut quelqu'un pour organiser ou arbitrer mais le match se joue avec tout le monde. Quand le dirigeant est parti je me suis retrouvé derrière un bureau, toutes les décisions remontaient jusqu'à moi et il fallait décider de tout. Aujourd'hui les choses sont plus fluides et le climat dans l'entreprise est bien meilleur car les gens communiquent entre eux aussi et pas seulement par l'intermédiaire du patron. Cette vision est le fruit d'une expérience personnelle et de mon histoire. C'est comme cela que je conçois mon métier et je ne me vois pas le faire différemment.

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