Coronavirus shut-down : la “monnaie-hélicoptère”, seule solution

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 12 mars 2020 à 19h17
Coronavirus Impact Economie 10
1000 milliards $Les Bourses mondiales ont détruit plus de 1000 milliards de dollars de valeur entre lundi 9 et jeudi 12 mars... Et il ne s'agit là que des grosses entreprises côtées !

Ne nous voilons pas la face : l'impact économique de la crise provoquée par le coronavirus sera catastrophique. A côté des milliers de dècès, peut-être, dizaines de milliers auxquels il faut s'attendre en Europe, et contre lesquels on ne peut pas faire grand chose, ce sont des millions, et plus probablement, des dizaines de millions de chômeurs qui vont être fabriqués d'ici juin sur le continent européen. Sauf à prendre des mesures vraiment exceptionnelles...

Désolé pour l'anglicisime "coronavirus shut-down", mais nous n'avons plus le temps de faire dans la dentelle. Oui, la crise économique, non pas qui s'annonce, mais dans laquelle nous avons désormais, tous, les deux pieds, va être dramatique. Et oui, elle s'apparente à un shut-down. Mais contrairement à l'image de l'interrupteur qui allume ou éteint une ampoule, c'est bien plus celle d'une vieiile chaudière au fuel qu'il faut avoir en tête. Une chaudière qui va s'arrêter, ou plutot, qui est déjà en train de s'arrêter, brûlant les dernières gouttes de carburant, (le cash), qui l'alimente encore.

Une fois à l'arrêt total, les radiateurs des économies occidentales passeront lentement de tièdes à froid. On pourra encore prendre des douches en tirant sur la réserve d'eau du ballon : traduisez : les entreprises dont le chiffre d'affaires s'est effondré vont tirer sur leur trésorerie pour couvrir leurs charges fixes. Mais après ? Après, il faudra redémarrer la chaudière. Et pour cela, il faudra faire le plein (de cash), mais aussi, purger le circuit rempli d'air (ce qui empêche, sinon, la circulation du carburant, donc, du cash). Et enfin nettoyer le corps de chauffe endommagé par les cochonneries qui se trouvaient au fond de la cuve ( aka les entreprises déjà malades, qui vont laisser des dettes devenues définitives, dettes qui vont plomber d'autres entreprises). Faute de chauffagistes disponibles (les gouvernements, la BCE, les banques commerciales), cette relance peut prendre des semaines, ou des mois...

Pour sauver les PME et les ETI, il faut larguer de la monnaie hélicoptère

L'analogie avec la chaudière est certes un peu longue et caricaturale, mais elle résume pourtant assez bien ce qui est en train de se passer.

Toutes les entreprises directement impactées par le coronavirus font d'ores et déjà face à un trou de chiffre d'affaires sur février, et évidemment, encore plus sur mars. Avec les délais de paiement inter-entreprises anormalement élevés en France, le réglement des prestations de décembre et janvier devrait tomber en ce moment, ce qui permettra de tenir encore un peu. Mais si le réglement des factures dont le terme est échu, ou sur le point d'échoir, n'arrive pas comme prévu, ce sont bien des dizaines de milliers de PME voire d'ETI qui ne pourront tout simplement pas honorer leurs obligations à la fin du mois, à savoir, pour la première d'entre elle, payer les salaires.

Et si ce n'est pas fin mars, c'est fin avril pour les plus chanceuses, que le couperet tombera.

Alors, oui, il est indispensable de prendre des mesures exceptionnelles, face à une situation exceptionnelle. Qui rappelle, bien entendu, la crise de 2008, mais en réalité en bien pire ! en 2008, bien entendu, l'économie aussi avait marqué le pas. Mais le ralentissement avait été beaucoup plus progressif, laissant du temps aux entreprises impactées pour réagir, soumises à des baisses d'activité de - 10, - 20 %. Or, aujourd'hui, qu'observe t'on ? Des baisses de - 60, - 70, parfois, - 90 %. Certaines réalisent 0 % de chiffre d'affaires car il est plus économique de ne rien faire du tout, que de faire 10 %.

Les banques doivent pouvoir prêter aux PME avec la garantie à 100 % de la BPI

Quelles mesures exceptionnelles s'imposent donc ? Tout simplement le remède de 2008, mais appliqué à toutes les entreprises, et pas seulement aux banques et quelques mastodontes, constructeurs automobiles et tutti quanti. Mais cette fois, il ne s'agit pas d'entrer au capital en sauveur : l'Etat n'a pas vocation à devenir actionnaire minoritaire de dizaines de milliers de PME du jour au lendemain ! La solution passe par le déblocage de prêts, accordés par les banques commerciales, basiquement, la banque de bas de bilan de l'entreprise, prêts garantis à 100 % et non à 70 % par la BPI.

Au passage, on se pince en pensant à cette idée saugrenue d'une promesse de garantie de la BPI par Bruno Lemaire, dans un premier temps, formulée logiquement à 100% du risque, puis, discountée à 70%. C'est totalement débile, et j'assume de l'écrire ici ! Pour couvrir le risque "résiduel", à savoir, les 30%, que va devoir apporter l'emprunteur, chef d'entreprise, en garantie ? Des parts de sa société, donc, sans valeur ? Sa maison ? Combien de temps la banque va-t-elle prendre pour évaluer la garantie, et le risque ? C'est absurde, contre-productif, idiot.

Comment accorder ces prêts ? Tout simplement sur la base du bilan 2018. Un premier prêt de trésorerie, représentant un mois d'activité moyenne de l'année 2018, puisque les bilans 2019 ne sont pas encore bouclés, doit être débloqué avant le 28 mars prochain. A quel taux ? Celui auquel l'Etat emprunte sur les marchés mondiaux à 10 ans, ni plus, ni moins. Sur quelle durée ? 10 ans justement semble une bonne durée pour étaler la casse le plus possible.

Si la situation ne se débloque pas rapidement, un deuxième prêt, identique, pourra être sollicité en avril, et débloqué dans les mêmes conditions. Enfin, en mai, pour permettre à la machine de redémarrer, un troisième prêt, toujours calculé sur la base du CA 2018, viendra renflouer pour de bon la trésorerie des PME qui le demanderont.

Il faut sauver le soldat PME français avant le 22 mars

Les mesures de chômage partiel, de report de charges ou de TVA et d'IS, sont des mesures intéressantes, mais lourdes à mettre en oeuvre, et les administrations ou encore l'URSSAF ne sont pas habitués à faire des faveurs. Surtout, ils ne sont pas capable de réagir en 48h, alors que c'est bien de quelques jours seulement dont disposent les chefs d'entreprises et leurs directeurs financiers quand ils existent, pour sauver leurs boîtes. Dans 10 jours, lundi 23 mars, il sera trop tard pour sauver les entreprises qui peuvent être sauvées, qui veulent être sauvées.

La solution que je propose ci-dessus fait appel peu ou prou à la monnaie hélicoptère de Mlton Friedman, même si en réalité, il ne s'agit pas d'argent donné sans contrepartie, mais de prêts, dont, oui, certains ne seront pas remboursés, et viendront gonfler le passif de la BPI. Ce n'est pas comme si dans le passé, la monnaie hélicoptère n'avait pas déjà été utilisée, cela n'a plus rien de choquant. Sauf que jusqu'ici, elle avait servi à sauver les gros, et même, des Etats, comme par exemple la Grèce ou encore Chypre. Avec le "retour sur investissement" que l'on connait : Les 3/4 de la dette de la Grèce lui ont été plus que remis : offerts.

Aujourd'hui, il s'agit de sauver des dizaines de milliers de PME en France, qui emploient des millions de Français, directement, ou indirectement. Le calcul est simple à réaliser quand on additionne tous les secteurs impactés au delà de 20 % de leur activité, et ils sont nombreux : c'est au moins la moitié du tissu économique français qui est menacé par le shut-down provoqué par le coronavirus. Faute de prendre la bonne décision rapidement, à savoir, prêter facilement rapidement et largement aux PME, le chômage refranchira en quelques mois la barre de 9 ou des 10 %...

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Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin. Il est également intervieweur économique sur RTL dans RTL Grand Soir (en semaine, 22h17) depuis 2016.Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time. En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007.Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an.En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier. Il a également été éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018. Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont notamment "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ainsi que "le Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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